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  • Photo du rédacteurAmina-Mathilde

#Conférence : Quels outils numériques pour aller chercher de nouveaux publics ?

Heureuse d'avoir représenté Make.org lors de la Journée de la Civic Tech et de l'Engagement Citoyen au CESE, une journée riche en échanges et en retours d'expériences auprès de chercheurs, de citoyens, d'autres civic tech et d'experts de la démocratie participative.


La Journée de la civic tech et de l’engagement citoyen, organisée par Décider Ensemble au CESE le 18 mars 2019, en lien avec la conférence internationale TICTeC 2019, a été l’occasion pour les acteurs français de la civic tech et de la participation citoyenne de se retrouver pour collectivement dresser un état des lieux du contexte français.


Retour d'expérience retranscrit par le think tank Décider Ensemble organisateur de l'événement


Amina Mathilde N’Diaye, Directrice de la Communication et de l’Engagement Digital de l'entreprise de civic tech Make.org, fournit son retour d'expérience sur comment les outils numériques peuvent servir à engager de nouveaux publics.


Quelle est la démarche derrière les consultations Make.org ?


Make.org est une plateforme de mobilisation citoyenne dont le but est d’obtenir des recommandations citoyennes à travers notamment un outil numérique de consultation. Make.org organise ces consultations autour de sujets d’intérêt général, comme les violences faites aux femmes, comment prendre soin des ainés, ou encore comment rendre la culture accessible à tous. Les consultations sont menées sur la plateforme, mais aussi à travers les réseaux sociaux et la presse en ligne afin de viser un public le plus large possible. Depuis le lancement de make.org en 2016, une trentaine de consultations ont été menées, sur des thématiques très variées.


A partir des résultats obtenus, l’objectif est de mettre en place des plans d’action citoyens. Make.org va aller chercher différents publics pour mettre en œuvre des actions sur ces thèmes d’intérêt général. Ces publics peuvent être des institutions, des fondations, des associations, mais aussi des médias partenaires qui se font l’écho de ces consultations, et évidemment les citoyens.


Comment s’organise la contribution en ligne du citoyen ?


L'interface citoyenne va présenter une proposition aléatoire. Le citoyen peut fournir un vote qualifié (pour, contre, neutre), puis passer à une autre proposition. Dix à douze propositions vont s’enchaîner ainsi, mais le citoyen peut également formuler sa propre proposition. Celle-ci doit être limitée à 140 caractères : cela permet d’avoir des propositions courtes et synthétiques, et d’avoir une uniformité de contenu. De plus, pour toucher le grand public et éviter d’exclure des citoyens qui peuvent ne pas savoir rédiger une idée, il vaut mieux avoir une idée simple par proposition.


Ceci facilite l’expérience utilisateur mais aussi l’analyse. L’organisation du contenu sur la plateforme se fait par un algorithme qui répond à une règle simple : chaque proposition doit avoir la même chance d’être vue. Ensuite, un algorithme de traitement permet d’identifier les consensus, les controverses, les propositions « repoussoir » dont les citoyens ne veulent absolument pas, ou au contraire celles qu’ils plébiscitent.


Quels sont les difficultés pour faire venir les citoyens sur la plateforme ?


Quand on crée une plateforme de participation en ligne, soit on attend que le public vienne à nous par bouche-à-oreille ou presse, soit on va chercher le public sur des sites tiers, appelés carrefours d’audience, comme les réseaux sociaux, les médias, ou via des campagnes d’e-mailing. Au début, on aimerait que les citoyens viennent spontanément sur le site, qu’ils créent leur compte, qu’ils fassent vivre le site et qu’on ne dépende pas de site tiers. Mais en réalité, il est très difficile de faire venir les citoyens car on est tout simplement invisibles.


Sans référencement payant, notre plateforme n’est pas bien référencée sur Google. Les citoyens ne nous connaissent pas, ils n’ont pas le réflexe d’aller sur la plateforme. On doit aller les chercher.


Lorsqu’on passe par des sites tiers, il faut créer une page puis créer du contenu régulièrement, ce qui demande du budget. La communication est même l’un de nos plus gros budgets, car en fonction des campagnes, cela peut varier de plusieurs dizaines de milliers d’euros à des centaines de milliers d’euros. De plus, il faut de l’expertise : utiliser des sites tiers pour faire une campagne nécessite tout un savoir empirique qui est extrêmement important et qui ne s’improvise pas. Il faut adopter des bons réflexes, par exemple ne pas envoyer une campagne de mail le vendredi soir à 17 heures. Pour cela, nous avons des personnes spécialisées sur ces questions de communication.


Cela n’empêche pas qu’il faut encore savoir y aller pas-à-pas et apprendre en pratiquant, les campagnes pouvant être contre-intuitives. Par exemple, sur Facebook où la vidéo marche généralement très bien, nos campagnes ne fonctionnent pas par ce biais-là, contrairement aux visuels. D’autre part, lorsque nous voulons toucher un public particulier comme les jeunes, nous devons faire appel à des leviers spécifiques. Nous avons collaboré, sur la question des violences faites aux femmes, avec la Youtubeuse Natoo, qui nous a fait plus d’enregistrements que n’importe quelle personnalité car elle a une relation de confiance avec son audience, qui nous faisait à son tour confiance, alors que ces citoyens ne nous connaissaient pas.


La particularité de votre démarche est de viser la représentativité. Comment faites-vous pour l’obtenir ?


Nous avons effectivement l’exigence envers nous-mêmes d’obtenir un ensemble représentatif de la population dans nos consultations. Or notre méthode n’est pas celle d’un institut de sondage, qui sélectionne un panel au préalable pour garantir la représentativité de l’échantillon. Nous ne pouvons pas faire cela dans nos consultations, nous ne choisissons pas qui vote. Nous croyons que les votants sont les personnes les plus intéressées par la thématique de la consultation. Ainsi nous obtenons souvent le même profil sociologique, qui correspond aux catégories socioprofessionnelles supérieures ou aux citoyens connectés. Pourtant nous avons eu dès le début la volonté d’aller chercher ceux qui ne s’expriment pas d’habitude, d’aller chercher leurs solutions, ce qui demande beaucoup plus de ressources et de budget.


Sur un cas comme la lutte contre les violences faites aux femmes, nous nous sommes rapidement rendu compte qu’avec la campagne Facebook, nous obtenions une large part de jeunes votantes, et à l’opposé, aucune réponse des hommes de plus de quarante ans. Pour chercher ces individus-là, nous avons donc dû débloquer du budget supplémentaire. Pour donner un ordre d’idée, pour une campagne réussie, le coût au clic va se situer entre 20 et 40 centimes. Mais pour cette population, cela nous a demandé des investissements pouvant monter à 2 euros le clic ! L’exigence de représentativité est en théorie simple, mais cela représente un coût conséquent sur internet. Pour notre cas concret de la lutte des violences faites aux femmes, nous avons réussi notre campagne car nous avons rééquilibré la participation jusqu’à obtenir 47% de réponses faites par des hommes.


Que faites-vous des données produites par les citoyens, leurs propositions, leurs données personnelles ?


Pouvoir gérer les données et respecter la vie privée est un défi : on veut à la fois garantir l’anonymat des citoyens et savoir un peu qui sont les personnes pour pouvoir les relancer. Il faut éviter de demander trop de renseignements, sinon il y a déperdition. On s’est donc interrogés sur les données dont nous avons besoin pour savoir qui participe, comment les exploiter, et comment les protéger.


Finalement, nous récoltons assez peu de données. Ce dont nous avons surtout besoin pour réengager les citoyens est une adresse email. Renseigner l’âge, le code postal ou la profession est optionnel. On demande un pseudo, mais les citoyens donnent souvent leur prénom, nous avons peu de propositions anonymes.


Comment modérez-vous les échanges en ligne ?


Pour certains contenus, la loi est très claire (racisme par exemple) : nous demandons à l’utilisateur de reformuler sa proposition. D’autres cas sont moins simples, comme les propositions qui risquent de mener à controverse. Par exemple, la première consultation que nous avons mené en partenariat avec BFM TV et RMC était une consultation sur les discriminations. La proposition arrivée en tête était celle qui avait le plus fait réagir, en pour et en contre. Jean-Claude, 69 ans, avait dit : « il faut stopper les migrants ». Nous avions l’habitude de faire des mails hebdomadaires aux utilisateurs pour les tenir informés des propositions qui émergeaient, et un intellectuel nous a fait un commentaire négatif en voyant cette proposition.

Nous avons établi une charte précise qui est la base de nos consultations. Nous informons les citoyens quand leur proposition n’y est pas conforme, mais nous n’interférons pas sur le processus et rendons les résultats obtenus, même les plus controversés.


En général, la modération concerne surtout des questions de forme : nous allons corriger les fautes d’orthographe, sans toucher à la syntaxe, ou rejeter les propositions peu compréhensibles. Par exemple, les citoyens intègrent parfois des abréviations pour respecter le nombre de caractères. Habituellement, leur expliquer pourquoi leur proposition est rejetée suffit. Les citoyens sont un peu mécontents, mais ils reformulent. Quand on décide de modérer, il faut de la transparence, et aller vers le citoyen, lui expliquer, même si l’on doit passer par le téléphone. Et c’est pour cela que nous demandons l’adresse mail.


Pour finir, il y a évidemment un risque de la gestion des « trolls » et des groupes d’individus ou bots – robots – qui vont voter en masse sur une proposition et biaiser la consultation. Nous n’avons pas été victimes de ces trolls jusqu’à présent, mais nous avons anticipé ce point et avons développé des outils de détection.

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