Amina-Mathilde
#Réflexions pour le média Compol

Les femmes et les hommes politiques peuvent-ils communiquer autrement à l'heure du clash ?Mes réflexions pour #Compol dans le cadre de leur article consacré à la communication politique à l'heure des hard news.
COMPOL N°127 / 28 FÉVRIER 2020
Peut-on communiquer autrement à l’ère du clash ?
Les cycles propres à la vie politique occasionnent des périodes d’hystérisation, souvent violentes et agressives. Face à l’emballement d’une communication politique sous forme d’affrontement, peut-on tirer son épingle du jeu en revenant à l’apaisement ?
Le changement de paradigme concernant la vie privée des élus (lire page 6), et la violence des attaques et menaces dans la vie politique (lire page 5) inquiètent. Mais le rythme installé depuis plusieurs années ne faiblit pas. De longue date, le sociologue Dominique Wolton a alerté : « La vitesse de l’information et la concurrence des médias entre eux aboutissent à un harcèlement sans limite des politiques. »
Pour la consultante en communication et influence Amina-Mathilde N'Diaye, « ce phénomène des hard news est ce qui conditionne les médias. Tout le monde s’adapte, les communicants, les politiques et les grandes plateformes de réseaux sociaux ». Né d’un complexe mélange entre le modèle des chaînes d’info en continu, de la publicité personnalisée et de la viralité des réseaux sociaux, ce phénomène épuise la parole mesurée. Conséquence : « Les points de vue les plus radicaux seront davantage mis en avant. » Car si télévisions et radios restent encore incontournables, « avec ce système de vase communicant, ce qui va fonctionner sur les réseaux sociaux va sûrement être repris dans les médias classiques ». D’où l’attrait du buzz.
L’apaisement par le changement
Mais peut-on proposer une communication apaisante à l’heure où les communicants ont une démarche proactive envers les médias ? Ils proposent des petites phrases clivantes pour se faire inviter sur les plateaux.
Pour Cécile Delozier, dont le cabinet Charisma est spécialisé en prise de parole en public et mediatraining, « la question que cela pose est celle de l’agressivité à tous les niveaux de la société et dont les réseaux sociaux sont une manifestation exacerbée ». Et la consultante est peu optimiste : « Je ne suis pas sûre qu’incarner une parole mesurée – du moins sur les réseaux – puisse reconnecter les électeurs. » Dès lors, « comment avoir une parole qui s’entend ? ». Plusieurs solutions apparaissent. Mais pour cette spécialiste, qui accompagne nombre d’élus locaux en campagne, « l’alternative serait de revenir à quelque chose de très humain, de très simple : le lien vivant de l’élu avec le citoyen, cette relation véritable et réelle, irremplaçable ».
Trouver de nouveaux formats
Même s’il faut « acter » la réalité du schéma actuel, confirme Amina-Mathilde N’Diaye, il existe des portes de sortie de cette tension communicationnelle : « On trouve aussi de belles choses sur les réseaux. Il est donc possible d’émerger avec des mots apaisants, mais il faut trouver une forme moins plate, moins consensuelle. » Et la consultante d’évoquer le succès du format snack content (type Brut) qui peut aussi devenir viral sans “clasher“. La communication de la parlementaire américaine Alexandria Ocasio-Cortez en est aussi une preuve. « Elle est un cas d’école par sa faculté à innover, à être à la fois très active sur les réseaux et à la fois très présente pour argumenter dans les médias », analyse Amina-Mathilde N’Diaye. Sans faire du clash sa marque de fabrique, elle est devenue une véritable « influenceuse politique ».
Comment ? Elle aborde régulièrement des questions politiques par « le prisme de l’expérience personnelle » et utilise également de nouveaux formats. Ce qui lui permet « d’abord de toucher ses abonnés, par son authenticité, ensuite de les mobiliser et donc de leur faire passer des messages », poursuit la communicante. Mais, pour cela, il faut sortir de sa zone de confort, tenter d’utiliser différents registres, accepter de se tromper et de le reconnaître.
JÉRÔME VALLETTE